Ma vision

Le clown construit un univers à partir d’un petit rien. C’est un monde intime et profond qui éclot à la surface comme une bulle de savon. C’est peut-être l’importance de l’instant, d’une expérience, d’une sensation et d’un partage. Car le clown, un peu comme l’air, le vent ou la musique, il est interprétatif, intercommunautaire, international, intervibratoire, interpersonnel/interhumain, intergénérationnel et bien sûr intergalactique !

Le clown permet de partager ce que, d’habitude, on préfère taire. Il vient chambouler ce qui avait l’air d’aller de soi. Grâce au jeu, avec son corps, ses mots, ses maux, il transforme et permet d’apprivoiser petit à petit la partie monstrueuse en soi pour s’en faire une amie. Avec le sale, le boueux, le honteux, le clown offre au monde sa misère et de ce fait l’allège : il autorise, s’autorise et ouvre des chemins inattendus et libérateurs. Alors le « sérieux » de la vie prend un autre visage, l’essence du cœur peut se révéler dans toute son amplitude et semer des graines d’humanité à tout vent, l’air de rien.

Pratiquer et faire pratiquer le clown, c’est la grande école de ne rien forcer, de ne pas foncer à la solution ni au but. C’est au contraire permettre ce qui cherche à émerger à le laisser être sur scène. C’est une expérience que je tente de revivre à chaque fois comme clown, mais aussi comme animatrice lors des ateliers : se défaire de l’appris, des pressions, des habitudes et revenir à l’essentiel, à la vulnérabilité. Partager cette démarche avec le public, c’est vertigineux, courageux, précieux et beau.

En tant qu’animatrice, je ne peux donc que me mettre au service du clown sur scène, vibrer avec lui. J’adopte une attitude réceptive ce qui permet au clown de creuser, de toucher à la joie profonde de l’authenticité et d’entrer avec plus de confiance dans sa vulnérabilité. Et la transformation peut avoir lieu, une renaissance peut-être, en tout cas un combat en moins, celui de devoir se défendre. L’humanité, à cet instant, est alors plus grande et j’espère, à mon échelle, y contribuer en semant des nez au vent, lâchés ensuite dans la bal(l)ade de la vie.

Que les dieux des clowns veillent sur nous !